A Tignes avec Alban Michon


Premiers tests du matériel en conditions

Récemment, nous étions avec notre copain Alban Michon à Tignes le lac. C’est là qu’Alban a monté son école des explorateurs.

Trois jours durant, nous avons bénéficié de ses connaissances et de son expérience du froid et de la glace. Un moyen de continuer à obtenir des réponses à tous les « Et si… » auxquels nous pourrons être confrontés sur le lac Baïkal où nous évoluerons sans assistance près d’un mois durant.

Le premier jour, Aliénor l’a accompagné sous l’objectif de la caméra de Pascal Marcellin lors d’une plongée sous la glace. Durant une vingtaine de minutes, elle a découvert les premières lueurs d’un monde fascinant jusque là inconnu puisqu’il s’agissait de surcroit, de sa toute première plongée. Un aérateur permanent dans mon oreille droite m’interdit de plonger, car un peu d’eau dans le conduit me conduirait à l’hôpital. J’ai donc assuré la sécurité depuis la surface, tenant précautionneusement le filin qui me reliait à Aliénor et que je devais tirer fermement en cas de trois coups secs indiquant un problème.

Aliénor après sa plongée avec Alban

Nous avons ensuite chargé puis tracté une pulka chacun dans la neige, et découvert les subtilités de sa maniabilité dans des zones accidentées où il est fondamental de ne pas se laisser emporter par son poids. Un exercice d’autant plus important que les pulkas que nous tirerons sur le lac feront une soixantaine de kilos chacune. En cheminant au milieu des bois, nous poursuivions notre apprentissage en écoutant Alban dispenser ses conseils et faire écho à ses expériences sur la glace du grand nord. Tout cela sous l’oeil des caméras de David Bordier et de Pascal Marcellin de TF1, venus spécialement de Paris pour un sujet sur l’école d’Alban avec nous pour le 20 heures. On a quand même passé la soirée tous les cinq autour d’une raclette et de bon vin chez Alban. On a refait le monde, partagé des souvenirs et des expériences. Et David et Pascal sont devenus deux nouveaux chouettes copains que nous avons prévu de revoir. Ils vont notamment nous former à la prise de vue, probablement avec des GoPro, dans les conditions particulières que nous allons rencontrer.

Le lendemain, Alban nous a proposé de simuler un passage à travers la glace normalement habillés. Aliénor s’est lancé la première dans un trou d’eau du lac recouvert d’une fine épaisseur de glace. Fine, mais pas facile à briser pour autant dans une eau à 2°. Il lui fallu trois minutes environ pour se frayer un passage jusqu’à l’autre bord, remonter mains nues sur la glace puis tracter sa pulka. Sous les conseils d’Alban, elle a ensuite attrapé le sac de survie en tête de pulka, sorti la tente utilisée en cas d’urgence et s’en est couverte. Un moyen efficace de couper le froid malgré les vêtements trempés et glacials qui collent à la peau. Puis malgré ses mains engourdies, elle est parvenu à allumer un minuscule feu avec le nécessaire présent dans le sac.
Aliénor casse la glace en video !

Puis ce fût à moi de me jeter à l’eau !
« Souffle ! » Me répète Alban, alors je souffle, et malgré l’eau froide qui m’enveloppe, je la sens à peine. Concentré sur l’objectif et ma respiration, les choses se font presque simplement, presque naturellement. C’est plus facile que pour Aliénor, je suis plus lourd, la glace se casse mieux et elle a fait le gros du boulot. Et une fois dehors, la tente sur le dos et sous les fesses me réchauffe vite. J’ai très froid aux pieds mais le reste du corps va bien. Le petit feu allumé rapidement me réchauffe agréablement les mains.

Nous avons ensuite monté pour la première fois notre tente. Pour nous mettre en situation, Alban nous avait équipé de lunettes polaires, ne laissant passer qu’un minuscule faisceau de lumière et réduisant considérablement le champ de vision. Il a sorti son ventilateur pour simuler un fort vent. Il n’aurait plus manqué qu’on ait des moufles ! Alors allez des moufles !! A la fin de l’exercice, notre tente avait une salle tronche. Un moyen de confirmer qu’il va nous falloir apprendre à la monter en un rien de temps, quasiment les yeux fermés. Un moyen aussi de conforter la nécessité de la mise en place d’un mode de communication bien pensé et rodé à l’avance, et de nous mettre d’accord et d’apprendre qui fait quoi, quand, et comment ! Lorsqu’il faut monter le camp dans une tempête par -30°, il faut mieux avoir bien anticipé… et ne pas laisser la tente s’envoler. Cela m’est arrivé une fois alors que j’étais seul dans le désert australien, et j’ai couru pieds nus un bon moment avant de la récupérer.

En fin de journée, c’est dans des conditions calmes que nous avons monté notre camp sur un des bords du lac. Enfoncer les broches à glace et tendre la toile nous a semblé plus simple. Alban nous a rejoint pour partager le dîner sous notre petit abri orangé. Alors que David et Pascal faisaient leurs dernières images, nous installions les matelas, déplions les sacs de couchage et arrangions l’espace. Nous nous sommes dit au revoir puis Alban a ouvert son réchaud a essence et fait chauffer l’eau dans sa théière d’expédition. Un réchaud à essence oui, car le gaz gèle et n’est pas compatible avec le grand froid. Alors l’essence c’est plus simple, mais c’est à manier avec précaution. La tente est ignifugée, mais si elle s’enflamme… Même dans ce cas, nous aurons un plan B. L’intérêt des « Et si… » bien anticipés. Comme dans ce cas, dormir sur nos pulkas…

Avec David Bordier et Pascal Marcellin de TF1, et Alban qui fait la photo

Et comme le vin n’avait pas encore gelé, on a ouvert une bouteille. On a bien parlé, bien ri, puis descendu chacun un sachet de nourriture lyophilisée. Un renard a sauté sur la tente, et nous n’en sommes toujours pas revenu. Alban est parti dormir sur son Range Rover alors qu’Aliénor et moi plongions dans nos duvets, recouverts de vêtements des pieds à la tête.

Et comment faire quant au milieu de la nuit, je suis pris d’une envie subite de me vider la vessie. Tous ceux qui se rendent dans les régions les plus froides et dorment sous la tente ne sont pas d’accord. Alban a sa bouteille qu’il garde ensuite avec précaution dans son sac de couchage. Dixie Dansercoer qui nous conseille également, et avec qui nous avons largement échangé sur le sujet (surprenant je sais), considère que manipuler une bouteille pleine d’urine la tête enfarinée est trop dangereux. Dans ce type de conditions, un mauvais mouvement et le duvet mouillé qui en résulte, peut transformer la nuit, et potentiellement les jours suivants en cauchemar.

Dans le grand froid, l’eau et la glace qu’elle devient est un des sujets qui nécessite la plus grande attention. Dans le grand froid, on fait le maximum pour éviter de transpirer, et pour ne pas entrer de neige à l’intérieur de la tente et surtout dans le duvet. Il faut trouver l’équilibre entre avoir le moins froid possible (parce que oui, quoi qu’on fasse, on a quand même tout le temps froid), et ne pas transpirer. Vous la voyez la limite ? Elle est vraiment subtile n’est-ce pas ? En particulier quand très habillé au coucher, il faut retirer des couches au bon moment de la nuit quand on est réchauffé, mais avant d’avoir trop chaud. Dans tous les cas, une partie de l’arrivée sous la tente comme du réveil, consiste à brosser la glace accumulée durant la nuit. Sinon c’est du poids supplémentaire à transporter, et un vrai danger si elle s’accumule durablement à l’intérieur du sac de couchage.

Alors pour cette fois j’avais moi aussi ma bouteille, peu enclin à quitter mon sac pour affronter le froid dehors. Sur le lac on verra !

Dans la nuit, Aliénor a retiré quelques couches et j’ai sorti mes bras du sac de couchage. La température est remonté et quand nous avons ouvert les yeux vers six heures, la neige avait partiellement recouvert la toile de notre habitat. J’ai fait le constant que mon sac était trop étroit et qu’il m’en faudrait un différent. Non que je sois trop gros pour lui, mais plutôt que je ne puisse bouger confortablement à l’intérieur étant plus habillé encore pour dormir.

Notre campement au réveil

Je suis sorti faire quelques photos, et Alban qui ne dormait pas loin nous a rejoint pour le petit déjeuner. On a fait le bilan de la nuit, revu quelques points, d’autres questions qui m’étaient apparu au réveil puis rangé le matos.

L’après-midi, Aliénor a rassemblé ses notes dans son cahier puis nous avons dîné léger. Le lendemain nous avons retrouvé le photographe Andy Parant pour une session de photos de notre préparation. Depuis le temps que j’entendais Alban parler d’Andy et que je regardais son travail avec admiration, nous étions Aliénor et moi très heureux de le rencontrer. La séance qui devait durer deux heures environ a finalement duré quatre heures, et s’est terminé par un verre et une pizza partagée sans se presser.

Et un copain de plus dans notre pulka ! Nous envisageons même qu’il nous rejoigne au départ et/ou à l’arrivée de notre traversée sur le lac pour quelques milliers de photos supplémentaires, et même si possible avant, lors de la Grande Traversée du Jura que nous ferons à ski et en auto-suffisance pour nous préparer.

Avec Andy Parant lors de la séance photo

C’est avec Alban que nous avons passé notre dernière soirée. Raclette – bières, deuxième et dernier épisode. Nous avons fait le tour parmi son matériel, de ce que nous pourrions nous procurer. Les meilleurs produits, parfois venant de loin, les avantages et les inconvénients éventuels, le poids, le volume. On a essayé ses gants, ses blousons, regardé ses skis de randonnée, noté les noms, les références, puis on a refait le monde une nouvelle fois.

Pour Aliénor comme pour moi, ces moments avec Alban, comme ceux partagés avec David, Pascal et Andy sont tout aussi importants qu’imaginer les derniers mètres sur le lac.

Photos ci-dessous © Andy Parant

Préparer une expédition, c’est apprendre, apprendre, et apprendre encore ; essayer, essayer, et essayer encore. C’est oser, nous confronter à nos peurs et aux doutes qui peuvent nous assaillir. C’est surtout donner corps et vie à nos envies communes et les partager. Nous dépasser ensemble dans un environnement tout aussi exigeant que beau. C’est aussi nous nourrir des rencontres que la préparation pose comme avec bienveillance sur notre chemin.

Pour tout cela aucun doute, nous sommes dans notre élément et tellement heureux de pouvoir le partager ensemble.

Renaud

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